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12 décembre 2025
16 min

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Les fêtes de fin d'année approchent avec leur lot de réjouissances... et d'appréhensions. Quand on vit avec un trouble psychique, les repas de famille peuvent se transformer en véritables parcours du combattant entre questions maladroites, silences pesants et injonction à la joie. Alors, comment traverser ces moments sans s'épuiser ? Ce guide pratique propose des stratégies concrètes pour mieux anticiper, gérer et même transformer ces rendez-vous familiaux. Des phrases-refuges aux techniques de régulation émotionnelle, en passant par la préparation de ses proches, voici un kit de survie pensé avec et pour les personnes concernées, nourri par l'expérience de Cathy, autrice qui vit avec un trouble bipolaire, et d'Angèle, diagnostiquée borderline et membre de l’association Facettes.
Avant toute chose, il est important de reconnaître que le malaise pendant ces moments n'est pas une faiblesse. Tout simplement parce que les fêtes de fin d'année peuvent créer un décalage particulièrement douloureux entre l'ambiance festive attendue et le vécu intérieur. Lorsqu'on est en phase dépressive ou qu'on traverse des difficultés, cette injonction sociale à la joie amplifie paradoxalement la souffrance. On se retrouve en représentation, devant jouer un rôle qui ne correspond pas à son état réel.
Et cela double la charge mentale : non seulement on ne ressent pas la joie « normale » de ces moments de convivialité, mais en plus on culpabilise de ne pas la ressentir. Cathy, qui vit avec un trouble bipolaire, raconte : « Quand je me baladais en ville dans les marchés de Noël au milieu des petits chalets en bois et des guirlandes, ça me rendait super triste parce que pour moi, ça n'avait aucune saveur. Je me sentais encore plus mal d’être triste à cette période de l'année, notamment auprès de mes enfants. Je me rappelle d’une année où je n’arrivais pas à m'enthousiasmer de faire le sapin avec eux, je voulais juste rester au lit. » Ce sentiment d'être étranger à sa propre famille, dans un moment censé rassembler, peut ainsi créer une solitude particulièrement difficile à porter.
Pour Jacques Besson, la spiritualité n’est pas un concept abstrait, elle répond à un besoin humain fondamental. « La spiritualité est quelque chose de naturel chez tous les êtres humains : c’est le besoin de donner du sens à sa vie », affirme-t-il. Selon lui, ce sens se construit en se reliant à trois dimensions essentielles. « D’abord, la relation à soi : apprendre à se connaître, être honnête avec ses émotions, prendre le temps d’une vraie introspection. Ensuite, la relation aux autres : construire des liens de confiance, de solidarité, de fraternité. Enfin, la relation à ce qui nous dépasse : la nature, l’univers, Dieu ou n’importe quelle force plus grande que nous, selon la sensibilité de chacun. » Autrement dit, la spiritualité dépasse la religion, qui appartient à un autre registre. « La religion est une construction sociale, culturelle, politique et institutionnelle, avec ses rituels et traditions », souligne-t-il. « Cette distinction m’a permis d’étudier la spiritualité en neurosciences cliniques sans entrer dans des débats de laïcité ou de politique. »
Pour Angèle, diagnostiquée borderline et issue d'un milieu bourgeois avec ses codes sociaux stricts, ce décalage se traduit par une pression permanente à la performance. Elle décrit cette double vie qu'elle doit mener : « Je dois composer entre ce que je peux laisser paraître, ce que je ressens, et ce qu'on attend de moi : la charge mentale du "tu dois aller bien parce que tu es avec nous et que c'est la fête" en somme. » Mais reconnaître que cette tension est légitime, est déjà un premier pas pour mieux la gérer.
Pour mieux se préparer, on peut commencer par repérer ce qui, précisément, met mal à l'aise lors de ces repas. Ces déclencheurs varient selon les personnes et les familles. Certains trouvent particulièrement pesantes les questions sur le travail ou les projets d'avenir : domaines où on n'a peut-être rien à dire quand la priorité est simplement de tenir au quotidien. « Quand on est dans le brouillard, on ne peut pas avancer au niveau professionnel car il faut déjà que la santé soit là, mais beaucoup de personnes ne s’en rendent pas compte », explique Cathy.
D'autres questions, d’apparence anodines, peuvent résonner comme des jugements : les remarques sur la volonté (« Est-ce qu'il faudrait pas que tu prennes un peu sur toi ? »), les comparaisons avec d'autres membres de la famille qui « s'en sortent bien », ou encore le fameux « Alors, ça va mieux ? » qui semble exiger une réponse positive et nie le droit à la fluctuation.
Mais paradoxalement, le silence peut être tout aussi violent. Angèle en témoigne : quand toute la tablée échange sur ses actualités et que son tour est systématiquement sauté, « comme si ma chaise était vide »,raconte-t-elle. Ce non-dit crée alors un sentiment d'exclusion profond. Le mal-être devient l'éléphant au milieu de la pièce, celui dont personne n'ose parler, ce qui le rend encore plus lourd à porter pour les personnes ignorées.
Prendre le temps, avant les fêtes, de lister mentalement ces situations qui pèsent permet de mieux se préparer et d'anticiper ses réactions. Pour vous aider à repérer rapidement les comportements problématiques, Plein Espoir vous présente un outil de protection inspiré du violentomètre, spécialement adapté aux situations de fête et créé par @lapsy_descouleurscachees et @lapsydesmauxroses
Face aux questions qui mettent mal à l'aise, avoir quelques réponses toutes prêtes peut sauver la mise. Ces « phrases-refuges » sont de courtes formules qu'on garde en stock, comme des boucliers verbaux, qui permettent de clore poliment un sujet sans avoir à se justifier longuement ou à mentir. Ces phrases doivent être suffisamment neutres pour ne pas créer de malaise, tout en posant une limite claire.
Cathy a par exemple trouvé une formulation qui lui convient quand on l'interroge sur le travail : « Je suis une maman qui prend soin d'elle et qui s'occupe de son foyer et de ses enfants. » Cette réponse valorise son rôle parental tout en évitant le terrain glissant du professionnel. Angèle, de son côté, opte parfois pour la franchise directe : « Je préfère ne pas en parler pour le moment, j'espère que tu comprends. » Certes, cette phrase peut créer un petit blanc dans la conversation (« elle fait rougir tout le monde de honte », reconnaît-elle), mais elle a le mérite de poser clairement ses limites.
L'important est de trouver ses propres formulations, celles qui sonnent juste et correspondent à sa relation avec ses proches. Les préparer mentalement avant le repas, comme des ressources dans lesquelles piocher au besoin, permet de les avoir à disposition. Avec le temps, ces réponses viennent plus naturellement.
Même avec la meilleure préparation du monde, l'intensité émotionnelle peut monter (trop) haut. Il est alors essentiel de s'autoriser à s'extraire temporairement du repas quand on en ressent le besoin. Ces « sorties de secours » ne sont pas une fuite ou un échec : elles sont un outil de régulation émotionnelle indispensable. Mieux vaut s'absenter dix minutes pour revenir apaisé que de rester à table en subissant une montée d'angoisse ou de tristesse ingérable.
Concrètement, cela peut être sortir prendre l'air, aller aux toilettes ou inventer une raison de s'éclipser quelques minutes dans la pièce d'à côté, permettent de créer un moment de décompression. Angèle, elle, utilise l'écriture comme exutoire : « Je me réfugie dans les notes de mon téléphone et j'écris tout ce que je ressens. » Cette technique permet d'évacuer le trop-plein émotionnel sans avoir à l'exprimer verbalement dans l'immédiat. La respiration est également un outil puissant et immédiatement disponible, qui peut se pratiquer discrètement, même à table. Enfin, appeler une personne de confiance, qu'il s'agisse d'un ami ou de son thérapeute (si on a son numéro d'urgence), peut aider à relativiser sur le moment.
Pour éviter tout malentendu, Cathy recommande vivement de prévenir ses proches : un simple « J'ai besoin de prendre l'air cinq minutes » ou « Je vais faire une pause » suffit. Cette transparence évite que le retrait soit interprété comme un reproche ou inquiète inutilement la tablée.
Fêtes de fin d’année ou non, il ne s'agit pas d'affronter seul ces moments difficiles. Identifier et cultiver des alliés au sein de sa famille, de ses proches, change radicalement la donne. Ces personnes-ressources sont celles qui comprennent la situation, respectent les limites et peuvent servir de relais ou de protection face aux autres membres moins sensibilisés.
Un allié, c'est quelqu'un qui va pouvoir excuser une absence de table (« Laissez-la tranquille cinq minutes »), détourner une conversation qui met mal à l'aise, ou simplement jeter un regard complice qui rappelle qu'on n'est pas seul. Pour Cathy, c'est sa maman et son conjoint qui forment ce filet de sécurité.
Mais comment transformer ses proches en alliés ? La clé réside dans la pédagogie et la communication ouverte. Il est essentiel de parler explicitement de son trouble en dehors des moments de crise, donc pas forcément à table le soir de Noël, mais dans un moment calme, et de préférence en tête-à-tête. Angèle a développé une approche particulièrement efficace : elle partage des ressources pédagogiques avec ses proches. « Il faut réussir à mettre les parents sur la voie pour comprendre le trouble. Leur offrir des livres, leur envoyer des contenus liés à ce qu’on vit. » Elle utilise notamment des schémas explicatifs de son trouble qu'elle montre dès les premières minutes de discussion avec quelqu'un de nouveau. Cette approche visuelle et concrète aide ses interlocuteurs à saisir rapidement ce qu'elle vit.
Parfois, c'est l'écriture qui facilite cette communication. Angèle a écrit des lettres détaillant ce qu'elle ressentait et les a laissées « traîner au milieu du salon ». Même si les premières réactions de la part de ses proches ont pu être maladroites, cette persévérance a fini par porter ses fruits. Aujourd'hui, ses parents ont même adapté leur façon de communiquer, lui envoyant des messages peu de temps avant un rdv pour éviter qu’elle n’appréhende trop longtemps et vérifier si elle souhaite venir sans pression : « "On va avoir tes grands-parents demain, est-ce que tu veux venir ? Si tu ne veux pas, c'est OK." »
Au-delà des alliés identifiés, on peut aussi préparer l'ensemble de la famille avant le repas. Cette communication anticipée permet de poser un cadre et d'éviter certaines situations difficiles. Concrètement, cela peut prendre la forme d'un message ou d'une conversation avec un ou deux membres clés de la famille quelques jours avant le repas. L'idée n'est pas de dramatiser ni de demander une attention particulière, mais simplement d'être transparent sur son état et ses besoins. Comme le suggère Cathy : « Dire : "Voilà, c'est compliqué en ce moment. Je vais venir, mais je ne garantis pas de ressentir la joie. Je vous préviens, j’aurais peut-être besoin de m’isoler mais ce n’est pas contre vous.” » Cette anticipation présente plusieurs avantages : elle désamorce la surprise si on a des réactions inattendues, elle évite que l'attitude soit mal interprétée, et elle responsabilise les proches dans la création d'un environnement plus bienveillant.
On peut aussi partager quelques phrases à éviter ou au contraire des formulations qui aident. Par exemple : « Je préfère qu'on ne me demande pas où j'en suis professionnellement » ou « Si vous voyez que je suis silencieux, pas besoin d'insister, laissez-moi juste respirer ».
Enfin, il ne faut pas oublier qu'on a le droit de ne pas venir. L'évitement n'est pas toujours la solution, mais parfois c'est la plus saine. Cathy l'a déjà pratiqué : « Parfois j'annulais à la dernière minute en me disant "je ne peux pas, vraiment je ne peux pas". » Angèle a même passé une année à faire du bénévolat toute la semaine de Noël pour éviter le repas familial. Si on sent que sa présence serait trop coûteuse émotionnellement, il faut bien sûr s'autoriser à dire non.
C'est peut-être le conseil le plus important et le plus difficile à appliquer : « on a le droit de faire passer sa santé mentale en premier. Ce n'est pas de l'égoïsme, c'est de la survie. », recommande Angèle. Dans notre société, et particulièrement lors des fêtes de famille, il existe une pression énorme à la performance relationnelle, à la joie obligatoire, au maintien de l'harmonie familiale. Mais lorsqu'on vit avec un trouble psychique, ces attentes peuvent devenir toxiques. La priorité doit être le bien-être, pas le confort de l'entourage.
Cathy utilise une analogie éclairante : « Imaginez : vous avez une bonne grippe, vous êtes une semaine au lit. Ça parait normal, et bien là c’est pareil : la dépression, l'anxiété, les troubles de l'humeur sont des maladies au même titre qu'une grippe. On a le droit de rester au lit aussi ! » Car on ne choisit pas d'aller mal, et on n'a pas à culpabiliser de ne pas pouvoir « faire comme si ».
Angèle le formule clairement : « Il faut savoir se faire passer en premier. Ce n'est pas de l'égocentrisme que de se préserver. » Cette affirmation peut sembler évidente, mais dans les faits, beaucoup ont été conditionnés à s'effacer, à minimiser leurs besoins, à « faire des efforts » pour ne pas décevoir. Se donner la permission de dire « non » ou « je ne peux pas » est un apprentissage qui prend du temps.
Malgré toutes les difficultés évoquées, les témoignages de Cathy et Angèle convergent vers une note d'espoir : avec du temps, de la pédagogie et de la patience, la famille peut passer du statut d'épreuve à celui de ressource.
« Sans mes proches, sans ma famille, je ne serais plus là », affirme Cathy avec émotion. Elle évoque notamment la voix de sa mère comme un repère fondamental dans les moments les plus sombres : « Même si j'étais un peu partie, je me rappelais de sa voix. » Ces liens familiaux, même abîmés ou compliqués, conservent une force particulière.
Pour Angèle, cette évolution s'est faite progressivement. Elle parle aujourd'hui de « résilience » : après des années de conflit, elle est « capable de ré-accepter des gens qui m’ont fait mal parce que nous avons le lien du sang ». Mais elle souligne aussi l'importance cruciale des amitiés dans les périodes où la famille était défaillante. Elle a notamment trouvé un soutien précieux au sein de Facettes, l'association de pair-aidance en santé mentale : « C'est eux qui m'ont aidée pendant ces années où le lien du sang n'était plus présent. »
Cette nuance est importante : la famille n'est pas la seule communauté possible. Les amis, les groupes de pair-aidance, les associations peuvent constituer des familles choisies tout aussi essentielles. Comme le dit Angèle : « Même si on se sent toute seule, on ne l'est jamais réellement. Il faut juste savoir quelles sont les oreilles qui nous sont ouvertes. »
Les repas de famille pendant les fêtes resteront peut-être toujours un défi. Mais avec ces outils (phrases-refuges, sorties de secours, alliés identifiés, communication anticipée), il est possible de transformer ces moments d'épreuve en occasions, sinon de joie, du moins de connexion plus authentique. Et si vraiment c'est trop difficile cette année ? Il faut se rappeler qu'Angèle est aujourd'hui « hyper sereine » et « hyper excitée » à l'idée de ces repas. Ce changement est possible même s’il prend du temps.

Voici quelques exemples de phrases et techniques à adapter selon sa situation et ses besoins. Ces outils ne sont pas des solutions magiques, mais des points d'appui qui peuvent aider dans les moments difficiles.
Si la période des fêtes réveille ou intensifie des difficultés psychiques, n'hésitez pas à en parler avec votre thérapeute, votre psychiatre ou votre médecin traitant. Anticiper un rendez-vous avant ou pendant cette période peut vous aider à mieux la traverser.
Vous pouvez également vous rapprocher d'associations de pair-aidance comme Facettes ou des Groupes d'Entraide Mutuelle (GEM) près de chez vous.


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