Se dévoiler, parler de sa maladie psychique, n’est jamais anodin. Derrière chaque confidence, il y a un moment charnière. Un mariage, une rencontre, une hospitalisation… Ce déclic peut prendre des formes bien différentes. Retrouvez dans Plein Espoir, ces récits de dévoilement qui montrent qu’au-delà de la peur ou du tabou, parler peut devenir une manière de vivre plus libre et de transformer son histoire.
« J’ai ressenti comme devoir éthique et moral de transparence », Roxane, 35 ans
Je suis pair-aidante depuis sept ans, et si le dévoilement fait partie de ma vie quotidienne, à l’époque où j’étais encore commerciale, ça n’était pas une évidence. Le déclic pour moi, a été le mariage. Quand la relation avec mon compagnon est devenue sérieuse et qu’il était question de construire une vie commune, j’ai ressenti comme un devoir éthique et moral de transparence. Pour que la personne qui allait partager ma vie sache vraiment qui j’étais, avec mes forces mais aussi mes fragilités. J’ai grandi dans une famille où il y avait un tabou sur les troubles psychiques. On a découvert assez tard, après ma première hospitalisation, que d’autres membres de ma famille étaient concernés. Moi-même j’ai traversé des problèmes de santé mentale et d’addiction et mon père est décédé par suicide. Tout ça fait partie de mon histoire et je trouvais essentiel de le dire. Alors il fallait que mon mari comprenne quand un médecin nous demanderait si nous avions des antécédents familiaux et des facteurs de risque pour nos futurs enfants, que c’était le cas. J’ai donc pris un temps spécifique avec lui, pour lui raconter mon parcours et lui laisser la liberté de prendre sa décision en toute connaissance de cause. On engage une autre personne dans le mariage, cette transparence m’a paru essentielle.
« C’était la première fois que je voyais quelqu’un assumer aussi clairement sa maladie », Alizée, 33 ans
Ce qui a changé ma trajectoire, c’est une rencontre au travail. Une collègue, un jour, s’est présentée ainsi : « Je suis borderline, voici ce dont j’ai besoin. » C’était la première fois que je voyais quelqu’un assumer aussi clairement sa maladie. À la fin de la journée, je me suis effondrée dans ses bras, soulagée de ne plus être seule. C’est elle qui m’a encouragée à consulter un psychiatre.
« Transformer mon expérience en message », Vivien, 26 ans
Quand tu disparais plusieurs semaines pour une hospitalisation, que tu perds ton travail, comment le cacher ? Tu te sens coupable de ne pas l’expliquer. Mais j’ai surtout commencé à me dévoiler à certaines personnes, pas pour me plaindre mais plutôt comme une forme de prévention. Par exemple, un collègue plus jeune que moi commençait à consommer. Je lui ai dit clairement que c’était dangereux, que ce n’était pas anodin. Parce que moi, je sais ce que ça implique : des pertes de mémoire, une fragilité qui ne disparaît pas et dans mon cas, ça a entraîné une schizophrénie. J’aime beaucoup Jungle Jack, un rappeur qui a écrit « Le flow ressort de Sainte-Anne sous picouse ». Je me reconnais dans ces mots. Ça me donne envie de transformer mon expérience en message. Aujourd’hui, j’ai arrêté de fumer, je prends mon traitement, et je vois que quand on est sérieux, on peut vraiment s’en sortir. Le dévoilement, pour moi, c’est ça. Prévenir, partager mon vécu pour éviter que d’autres tombent dans les mêmes pièges.
« Il y a toujours une tension entre le silence qui protège et le besoin vital d’être entendu », Léonard, 30 ans
Pendant longtemps, je n’ai parlé de ma dépression à personne. Aux amis, je voulais montrer le meilleur de moi-même. Aux partenaires, j’avais peur d’être vu comme faible. Et au travail, c’était impensable car trop tabou. Même avec les psychiatres, je me sentais incompris. Alors je gardais le silence. Le déclic, ça a été ma mère. Elle vivait avec une schizophrénie marquée par des crises violentes et moi, jeune adulte, je n’en pouvais plus. Un jour, je lui ai tout balancé, que j’étais en pleine dépression, que c’était lié à ce que j’avais vécu avec elle. Elle a d’abord rejeté, incapable d’accepter qu’il puisse y avoir une transmission, un impact sur ma santé mentale. Puis elle s’est mise à pleurer. Pour la première fois, on s’est pris dans les bras. Ce geste inédit a ouvert quelque chose entre nous. Rien n’était effacé, mais un lien réparateur s’était créé. Ce dévoilement m’a appris qu’il y a toujours une tension entre le silence qui protège à court terme, et le besoin vital d’être entendu. Ce jour-là, parler est devenu une tentative de survie.
« Écrire m’a permis de transformer ma souffrance en quelque chose d’utile », Cathy, 43 ans
Avec mes proches, le dévoilement de mon trouble bipolaire s’est fait par étapes, mais ce qui a vraiment marqué un tournant, c’est l’écriture. Un jour, j’ai osé raconter mon histoire dans un livre sur les conseils de mon psychiatre. Certains de mes proches l’ont découvert ainsi. Écrire m’a permis de transformer ma souffrance en quelque chose d’utile, de briser le silence qui m’avait enfermée. Aujourd’hui, je vais bien depuis deux ans. Dire ces choses à mes enfants, mes proches et à d’autres personnes à travers mon livre, m’a libérée. Je ne suis pas qu’un diagnostic, je suis une mère, une femme, une autrice. Et si mon histoire aide à déstigmatiser, alors elle prend tout son sens.
« J’ai choisi de le faire par téléphone », Adrien, 32 ans
J’ai mis près de dix ans avant de parler de mon addiction. Il m’a d’abord fallu un diagnostic, qui a enfin mis des mots sur ce que je vivais. Mes amis s’en doutaient déjà, mais devant mes proches, c’était impensable pour moi d’assumer. C’est après un épisode où je me suis retrouvé au plus bas que j’ai eu envie de me confier à mon ex-compagne, qui est psychologue. Elle a eu peur et a appelé ma mère. C’était le début d’un engrenage. J’ai dû par la suite, expliquer à mes parents ce que je traversais. J’ai choisi de le faire par téléphone, parce que c’était plus supportable pour moi. À partir de ce moment-là, tout s’est débloqué petit à petit. Une fois l’addiction avouée, le reste a suivi plus facilement : la dépression, puis le trouble de la personnalité. Dire les choses m’a soulagé, je n’étais plus seul avec ça. Aujourd’hui, je ne ressens plus cette peur de me dévoiler. Je sais que c’est parfois lourd à entendre pour les autres, mais le silence l’était encore plus pour moi.
« Lorsque j’ai enfin trouvé un traitement stabilisateur qui me convenait », Tonatiuh, 31 ans
Je suis suivi en psychiatrie depuis sept ans. Longtemps, mes parents n’ont rien su. Je voulais les protéger, surtout ma mère. À 25 ans, j’ai évoqué mes traitements. Mon père a réagi avec calme, mais ma mère a paniqué, pleine d’idées reçues. J’ai dû lui expliquer que ce n’était pas une condamnation. Le vrai moment clé pour moi est venu bien plus tard, il y a six mois, lorsque j’ai enfin trouvé un traitement stabilisateur qui me convenait et que je voyais ses effets positifs. Autour d’un verre, j’ai pu dire simplement à mes parents : « Ce traitement m’aide à mieux contrôler mes humeurs, à avoir une vie plus stable. » Ce dévoilement a tout changé. De la peur, on est passé à un vrai échange, basé sur la confiance.
« J’ai osé en parler publiquement dans une vidéo sur Instagram », Élise, 23 ans
J’avais 20 ans quand, au cours d’une soirée étudiante, une grosse crise d’angoisse m’a littéralement clouée chez moi. Je n’osais plus sortir ou revoir mes amis. Pendant des semaines, je ne vivais plus, je dormais, je me réveillais angoissée. C’est là que j’ai compris que je ne pouvais plus continuer à cacher mon trouble anxieux généralisé. J’ai pris mon téléphone et envoyé un message à mes amis pour leur expliquer mon diagnostic, pourquoi je disparaissais parfois, et surtout que j’avais besoin d’eux. J’étais persuadée qu’ils me rejetteraient. Mais j’ai reçu de l’écoute et du soutien. Ça a été un vrai soulagement pour eux de pouvoir comprendre un peu mieux mes comportements. Plus tard, j’ai osé en parler publiquement dans une vidéo sur Instagram. Mes parents l’ont découverte en même temps que tout le monde et m’ont simplement dit : « On est fiers de toi. » Aujourd’hui, je sais qu’on ne devrait jamais avoir honte d’en parler. Ce n’est pas imposer un fardeau aux autres, mais au contraire, s’autoriser à être soutenu.
« Partager entre pairs m’a fait plus de bien que certaines thérapies », Fadma, 54 ans
Diagnostiquée en 2017, après une hospitalisation brutale, je n’osais pas prononcer les mots « handicap psychique ». J’avais honte. J’avais intégré les clichés que les schizophrènes seraient dangereux, les dépressifs fainéants, les bipolaires instables. Alors je disais simplement que j’étais malade. Le basculement est arrivé quand j’ai été coupée de mon suivi psychiatrique, en pleine période de covid. J’avais refusé le vaccin par peur, et l’hôpital a mis fin à mon hospitalisation. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée seule, avec mon traitement et mon angoisse. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré une médiatrice santé pair. Elle m’a orientée vers un collectif de personnes concernées. Au début, j’étais méfiante, puis j’ai découvert le rétablissement. J’ai vu que l’on pouvait vivre avec un trouble psychique, avoir une famille, un travail. Partager entre pairs m’a fait plus de bien que certaines séances de thérapie. Là, j’ai compris que parler, ce n’était pas une faiblesse mais une force. Depuis, je témoigne à l’IRTS (école des travailleurs sociaux, ndlr) pour sensibiliser et déstigmatiser. Je fais aussi des interventions auprès de collectivités, associations, employeurs. Je me suis dit, en fin de compte, la santé mentale, c’est l’affaire de tous.
« Pour ne pas me sentir seule et pour me protéger », Rachel, 26 ans
Le déclic pour dévoiler à mes parents ma bipolarité, c’était à la fois pour ne pas me sentir seule dans cette épreuve et pour me protéger, me mettre en sécurité. Si jamais il m’arrivait quelque chose demain, au moins il y aurait des gens au courant, capables d’identifier si je vais bien ou non, et de m’inciter à appeler ma psychiatre, à prendre mon traitement.
« Pas pour me définir par ma maladie, mais pour que les gens comprennent », Apolline, 28 ans
Dès le lycée, j’avais des TICs et des TOCs. Je n’en parlais pas comme d’un problème de santé mentale, alors mes camarades se moquaient, sans savoir. Ma famille, elle, avait conscience que j’avais des difficultés. Ce n’était donc pas une surprise quand, il y a deux ans, je leur ai annoncé que je venais d’être diagnostiquée d’un trouble de la personnalité borderline, après plusieurs années de suivi au CMP. Une de mes sœurs m’a répondu : « Je le savais. » et ma mère, elle, dans le déni, pense que ça passera, même si elle me dit qu’elle prie pour moi. Au travail, j’ai choisi d’en parler très tôt aussi, car mes traitements entraînent des effets secondaires visibles et parfois l’impossibilité de sortir de chez moi. Mes employeurs ont été compréhensifs et humains, même lorsque je me suis faite internée en clinique pendant plus d’un mois en arrêt maladie. Dans mes nouvelles rencontres, j’essaie d’amener le sujet assez vite, pas pour me définir par ma maladie, mais pour que les gens comprennent ce que je traverse.
Choisir de parler ou non de sa santé mentale appartient à chacun d’entre nous. Ces témoignages montrent que, lorsque le dévoilement est possible, il peut libérer des tabous et rompre l’isolement, pour créer des liens fondés sur la confiance et la compréhension. Et parfois, il devient une porte ouverte vers le rétablissement.
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