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Pair-aidante pionnière en cabinet psy : une journée avec Fatima

Fatima exerce comme pair-aidante dans un cabinet libéral en Côte-d'Or, une première en France. Avec une psychologue clinicienne, elles ont créé un dispositif innovant qui allie expertise professionnelle et savoir expérientiel. À 50 ans, elle transforme son parcours de rétablissement en compétence thérapeutique qu’elle met au profit d’autres personnes vivant avec un trouble psychique. Un quotidien inspirant qu’elle nous raconte aujourd'hui.

Fatima vit avec un trouble psychique depuis de nombreuses années. Mère de famille, elle connaît les défis de la parentalité quand on traverse des difficultés de santé mentale. Aujourd'hui stabilisée, elle a trouvé dans la pair-aidance une vocation qui donne du sens à son vécu. Depuis deux ans, elle exerce bénévolement aux côtés de Christine Joly, psychologue clinicienne qu'elle connaît depuis douze ans par le biais de l'Unafam (l'Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques). Ensemble, elles ont créé un dispositif unique en France : des consultations en trinôme associant expertise professionnelle et savoir expérientiel. Leur approche thérapeutique puise dans plusieurs courants : TCC, thérapie interpersonnelle, systémique et psychologie humaniste,  avec une spécialisation en thérapie dialectique et comportementale (TDC) pour la régulation émotionnelle. À ces outils cliniques s'ajoute le vécu de Fatima qui est l’incarnation vivante du rétablissement, elle apporte de l'espoir mais aussi des ressources pratiques qui font souvent défaut dans les parcours de soin traditionnels.

Le duo identifie les forces et ressources de chaque personne, qu'il s'agisse de surmonter des passages difficiles comme de l’anxiété menant à des addictions par exemple, ou de concrétiser des projets personnels et professionnels selon les envies de chacun. La durée d'accompagnement varie selon les besoins : six mois, deux ans, parfois plus, avec la possibilité de revenir si nécessaire. Leurs séances sont facturées 65 euros, le tarif d'une consultation classique, un choix délibéré pour rester accessible au plus grand nombre.

Actuellement, Fatima accompagne trois personnes à raison d’une consultation par semaine tous les vendredis au cabinet de Christine. Pour Plein Espoir, elle a accepté de raconter l’une de ces journées, entre briefings préparatoires et consultations partagées.

Le matin et/ou de manière ponctuelle dans la semaine, l'accompagnement à distance :

Mon travail ne commence pas au cabinet. Un peu tous les jours en fonction des demandes, j'accompagne déjà les personnes que je vois en consultation via des échanges par messages. Quand une personne se pose des questions après une séance, Christine, la psychologue avec qui je collabore, me transmet son texto et me demande mon avis. Je prends le temps de réfléchir chez moi, je considère tous les paramètres, puis j'envoie ma réponse à Christine qui la transmet à son tour. Récemment par exemple, je suis revenue sur le concept de « réduction des risques » auprès d'une personne qui souffre d'addiction. C’est une approche qui consiste à ne plus prôner l'abstinence totale mais plutôt le contrôle d'utilisation des substances. J’avais abordé le sujet en consultation, et la personne avait besoin que je détaille davantage la démarche, ce que nous avons fait par messages. Ces échanges par SMS sont précieux : ils permettent d'approfondir, de rassurer, de maintenir le lien avec les personnes que j’accompagne. Mon atout est que vivant moi-même par un trouble psychique, je suis capable de me placer du point de vue des personnes que l’on accompagne. Je sais de manière instinctive, ce qu’ils ont besoin d’entendre, les informations qu’ils cherchent, les mots qui tomberont juste. Cela améliore la qualité des échanges et permet de mieux répondre à leurs attentes.

16h, préparation :

J'arrive au cabinet une demi-heure avant la consultation pour faire le point avec Christine. Le lieu est particulier : attenant à la maison de Christine, c'est une véranda aménagée en salon, baignée de lumière et ouverte sur la nature. Un cadre privilégié qui met tout de suite à l'aise et qui fait partie de notre démarche. L’idée est de proposer un lieu d'accueil et d'écoute dans un milieu qui s'apparente au lieu de vie de la personne, à son quotidien. En fait, on accueille la personne et non le ou la malade. Cela renforce de façon thérapeutique son sentiment d'identité, son estime de soi et aide à lutter contre l'auto-stigmatisation.

On se pose alors dans la cuisine ou le salon et on fait notre briefing. On parle de la personne que nous allons recevoir et on fait le point sur les SMS échangés dans la semaine. 

16h30, l'accueil :


Quand la personne arrive pour son rdv, nous l'accueillons toutes les deux. Je lui souhaite la bienvenue et je lui propose de choisir sa place dans la véranda. Pendant que Christine prépare un thé, un café ou un verre d'eau selon ses préférences, je discute un peu avec elle. L'ambiance est détendue. Je lui demande comment elle va depuis la dernière séance, et on échange quelques banalités qui permettent de créer du lien… c'est souvent le moment où je raconte les aventures de mon chat ! Ces moments informels sont importants pour bâtir une relation de confiance. Les personnes que l'on accompagne savent que je suis concernée par un trouble psychique, que je comprends ce qu'elles vivent de l'intérieur. Cette proximité crée immédiatement une complicité entre nous.

16h45, la consultation :

Quand Christine nous rejoint, la consultation commence vraiment. Il n'y a pas de hiérarchie entre nous, on est vraiment complémentaires dans nos rôles, si bien que personne ne prend le dessus. Christine prend des nouvelles de la personne à son tour, et moi je rebondis : « Et avec votre fils, est-ce que ça s'est arrangé ? » J'ai la chance d'avoir une bonne mémoire, ce qui fait que je me rappelle bien des échanges des consultations précédentes ce qui est très utile pour relancer la conversation. Et puis, étant moi-même une maman ayant traversé des troubles psychiques en élevant mon enfant, je suis à même de comprendre les enjeux de la parentalité dans ce contexte.

En fait, on approche la personne dans son écologie de vie : la clé d'entrée n'est pas la maladie. On tient compte de ce qui fait symptôme bien sûr, mais c'est dans un contexte de reconnaissance première de la personne en qualité d'auteure de son parcours de vie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous n’appelons pas ces personnes « nos patients » car nous sommes éloignées du côté purement sanitaire auquel ce terme renvoie, nous sommes plutôt dans le soin étymologiquement parlant, le care (prendre soin en français). Encore une fois, la maladie n'est pas la clé d'entrée de notre accompagnement thérapeutique.

La discussion se poursuit à trois. Le dialogue se fait toujours naturellement. De mon côté, je soutiens Christine, et du sien, elle relève la justesse de mes propos. On a une bonne répartition des tâches, ce qui nous permet de travailler de concert, d'aller dans la même direction… Il faut dire qu'on se connaît depuis douze ans maintenant. Quand la personne aborde un thème, on en discute tous les trois de manière fluide. Ce qui est frappant, c'est que souvent, j'évoque un mot qui correspond exactement à ce que ressent la personne. Quand ça arrive, la personne me remercie en clamant : « Oui c'est exactement ça ! » Elle se sent comprise. C'est la force du savoir expérientiel : on parle la même langue.

17h45, les encouragements :

Vers la fin de la consultation, je félicite toujours la personne pour les progrès qu'elle a pu faire depuis notre dernière rencontre. On donne des pistes à explorer jusqu'à la prochaine séance pour rendre les personnes actrices de leur rétablissement. Parfois on suggère des actions de bénévolat, des activités associatives, des démarches administratives à faire en fonction des situations de chacune. Mais il s’agit bien d’un trinôme car la personne accueillie participe pleinement et c'est un partage : on s'appuie sur ses compétences pour l'avancée de notre travail.

Quand les personnes que l’on accompagne nous racontent tout ce qu'elles ont pu accomplir, je les encourage : « Bravo, vous mettez en pratique nos conseils, je vous félicite ! » Et Christine abonde en ce sens. C'est important de valoriser chaque petit pas, chaque effort. Puis on fixe le prochain rendez-vous, souvent espacé d'un mois.

18h, le débriefing :

Une fois la personne partie, on range les tasses, on remet le lieu en ordre, et surtout, on débriefe ! On se félicite d'avoir bien travaillé et on s'encourage mutuellement dans la poursuite de notre chemin. Ces moments d'échange avec Christine sont précieux. Par exemple, elle me dit souvent : « Ça valait le coup d'attendre un jour pour avoir ta réponse à transmettre à la personne que l’on accompagne. » Notre collaboration fonctionne vraiment bien, notamment grâce à notre complémentarité, notre complicité… mais aussi la totale confiance qu'elle m'accorde et tout cela transparaît dans notre binôme professionnel.

18h30, le retour :

Je prends le bus puis le tram pour rentrer chez moi, quarante-cinq minutes de trajet. Pendant ce temps, je suis sur un petit nuage. J'essaie de ressentir les bonnes vibrations de la journée. Je suis contente du travail accompli, je me sens plutôt heureuse. Je savoure ce sentiment de bien-être. Cette activité m'enrichit énormément, me valorise et me donne une légitimité dans mon expérience personnelle. Je me dis que je n'ai pas vécu tout ça pour rien : aujourd'hui, je peux aider à mon tour. C'est gratifiant et ça donne du sens à mon parcours.

Notre objectif avec Christine Joly, c'est de pouvoir développer encore davantage notre accompagnement et de trouver une source de financement afin que je puisse être rémunérée pour cette activité en cabinet libéral. On est pionnières en la matière, on est même passées dans le journal local ! On croit fort en notre dispositif qui est une alternative à l'hôpital qui mérite d'être développée.

Vous souhaitez en savoir plus et rencontrer d’autres personnes engagées dans le rétablissement ? Rejoignez les réseaux sociaux de Plein Espoir, le média participatif dédié au rétablissement, créé par et pour les personnes vivant avec un trouble psychique.


Cet espace inclusif est une initiative collaborative ouverte à toutes et tous : personnes concernées, proches, et professionnels de l’accompagnement. Vos idées, témoignages, et propositions sont les bienvenus pour enrichir cette aventure. Contribuons ensemble à bâtir une société plus éclairée et inclusive.

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10 juin 2025

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